« Lina
a passé tous ces derniers jours notamment les soirées au sit-in. Je ne l’ai que
trop peu vue. Mais sachant par hasard- qu’elle avait donné son accord pour des
activités à mener en Corse, je lui en ai touché un mot. Sa réaction était la suivante : «
je suis déchirée : d’une part je tiens à honorer mon engagement et je
voudrai ne pas décevoir mes amis corses. D’autre part, il m’est
pratiquement impossible de pouvoir quitter mon pays –ne serait-ce
qu’un jour –alors que nous vivons des instants réellement historiques, que tout peut basculer d’un coté
comme de l’autre à n’importe quel moment. Je ne me vois pas participer à une
conférence se déroulant dans un pays
étranger dans le confort absolu alors
que mes concitoyens offrent leurs poitrines
nues à la violence noire, devant le siège de l’ANC. Je ne me vois pas partageant avec mon peuple ces
jours qui marquent bien son histoire
et qui feront l’avenir de ses enfants autrement qu’en étant parmi la foule, parmi mes
amis blogueurs, parmi nos femmes si
déterminées et notre jeunesse si
inventive . »
Hier
et hier soir Lina m’a appelé à plusieurs reprises, des fois pour m’affirmer
qu’elle partait honorer son engagement et à la rencontre de ses amis si accueillants et formidables,
d’autres fois pour me dire en sanglotant qu’elle ne pouvait pas être ailleurs
qu’au Bardo. Aucun de nos deux n’a pu
dormir Vers 5heures du matin Lina m’a
rejoint pour me demander de l ‘accompagner à l’aéroport. Sur la route
elle était silencieuse, triste et se comportant presque comme une zombie. Je
l’ai déposée coté départs et je m’en suis allé .croyant que la laissant seule,
je l’encourageais ainsi à ne pas revenir sur sa décision…
Peine
perdue.ma tactique s’est avérée infructueuse. Ayant à peine repris ma route en
direction de la maison, mon téléphone a sonné. J’ai cru, tout d’abord, que
Lina, à son habitude, m’appelait pour m’informer que tout s’est bien passé et
qu’elle attendait déjà de s’embarquer…Mais… Lina pleurait, sanglotait et
n’arrivait pas à assembler se serait-ce qu’un mot…Cela m’a fait prendre peur et
soupçonner une agression … Enfin sa langue s’est déliée et elle a dit comme
récitant une litanie : « Non, papa, je ne peux pas partir. C’est
plus fort que moi. Cela est impossible.
Je
suis désolée pour ceux qui m’attendent là-bas. Mais partir m’est insoutenable.
Papa je reste. Un point, c’est tout. »
Sur
le chemin du retour, Lina était fermée
et soucieuse. Elle retenait mal ses larmes…
Rentrés
à la maison nous avons dormi tous les
deux comme des pierres.
Vers
16h, rebondissement, Lina essayait de trouver
un vol pour partir.
Une
part de son cœur est surement là-bas. Mais son être entier ne peut être qu’ici.
C’est
plus fort qu’elle.
Désolé
pour nos amis Corses .Mais je suis persuadé qu’ils comprendront. Et qu’ils lui
trouveront des excuses.
Surtout
que notre journée s’est terminée sur une alerte : Lina est fortement
menacée. La police lui propose sa protection !
Ezzahra
le 3 aout 2013.
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