jeudi 20 septembre 2012

Ma communication pour l'Institut recht als Kultur à Bonn


C’est essentiellement parce que je suis née en Tunisie que je suis musulmane. En effet, j’aurais pu naitre à Rome et être chrétienne catholique, en Allemagne et être  protestante, au Cambodge et être bouddhiste. Je veux dire par là que l’appartenance religieuse est souvent le produit du hasard, et que seuls peu de gens  sur notre terre ont véritablement choisi d’eux -mêmes d’être musulmans, juifs, chrétiens, bouddhistes ou animistes … Et en général ceux  qui ont  eu la chance  ou la malchance de choisir sont ceux  qui sont passés d’une religion à une autre ou à l’athéisme, ou d’un rite à un autre, d’une secte à une autre, d’une école à une autre , d’une confrérie à une autre  au sein de la même religion…


Dans la même logique, c’est essentiellement  parce que je suis née musulmane tunisienne que j’appartiens au rite sunnite malékite dominant. J’aurais pu d’ailleurs  appartenir au rite minoritaire « ibadhiste » auquel appartient la famille de ma grand-mère paternelle.
Si j’étais née en Arabie Saoudite j’aurais été wahabbite, en Iraq, j’aurais été peut être shiite au Sénégal j’aurais été tidjanite.

Je vous ai raconté tout cela pour vous dire qu’à mon avis la question de l’appartenance ou de l’identité, surtout quand elle est regardée du point de vue de la religion en particulier et du culturel en général est à la fois simple et complexe. Et que pour beaucoup elle est le fruit du hasard.

Et c’est parce qu’elle est ainsi-me semble-t-il qu’elle suscite tout cet engouement, tous ces débats, toutes ces controverses et même tous ces déchirements… Mais c’est là un aspect de notre débat que je ne ferai que frôler  pour ainsi dire en espérant y trouver une sorte d’introduction à ce que je vais exprimer  par rapport à ma position personnelle  en tant que blogueuse- mais aussi et surtout  en tant que citoyenne tunisienne- pour ce qui est de la Charia.

D’autres personnes sont mieux placés que moi pour traiter de la question  de façon fondamentale et cognitive. Les différentes interventions que nous avons écoutées l’ont bien confirmé. J’avouerais tout d’abord que jusqu’à ces derniers  mois la question de la Charia n’a jamais été pour moi parmi mes priorités …

Je vivais ma religion dans la sérénité. Croyante ? Oui. Pratiquante ? Non. Je ne débattais  de thèmes  se rapportant à la religion  ou à la charia  qu’en  des occasions tout-à-fait passagères en parlant du hijab ou de l’observation du jeûne  par exemple…

Et quand avec d’autres blogueurs  et blogueuses de mon pays  nous nous sommes mis à vouloir participer d’une manière ou d’une autre à l’éveil de notre peuple et à un lever-des-boucliers contre la dictature, il était loin –très loin même-  de mon esprit qu’on allait se retrouver  confronter à cette épineuse dualité : état civique/état religieux !
Et c’est pour cela que j ‘ai eu-comme beaucoup d’autres- comme un sentiment d’échec pour ne pas dire  de désolation totale.

Jeune, femme, éduquée, ouverte sur le monde et appartenant à une famille au sein de laquelle je ne me suis presque jamais sentie comme ayant un statut inférieur parce que femme, j’aspirais plutôt aux libertés collectives et individuelles  dans leur sens HUMAIN, c’est à dire en tant que droits humains qui devraient être ceux de tous les humains compte non tenu ni du genre, ni de la race, ni de la nation, ni du lieu de vie…

Je ne me voyais pas diminuée, traitée comme inférieure, obligée de me cacher pour vivre comme je l’entends…

La révolution dont j’avais vécu pratiquement la plupart des péripéties  et évènements ne m’a fait en rien découvrir une revendication d’identité, de religion et de sacré. Nous revendiquions plutôt  le droit  au travail, l’équité sociale, le développement pour tous et pour toutes nos régions, e le droit d’être de véritables CITOYENS, en droits et en devoirs.

Le premier choc que j’ai eu  à vivre en la matière je l’ai vécu quand des gens-dont mon père d’ailleurs-ont été agressés, bousculés, et gazés pour la simple raison qu’ils éraient allés voir un film qui était jugé par leurs agresseurs et leurs commanditaires  comme étant blasphématoire…

Puis les déceptions se sont succédées et les interrogations sont devenues de plus en plus douloureuses…Campagnes contre les laïcs, les modernistes, les « occidentalisés », les incroyants, les ennemis de l’Islam, les ennemis de Dieu… Fausses querelles provoquées et ravivées de jour en jour… Des illuminés  venus  nous « islamiser », nous amener au droit chemin … Des  voix qui réclament la polygamie, le mariage coutumier et même la pédophilie… Des prêches  qui nous ressortaient  du fond des siècles l’excision en tant qu’obligation  religieuse … Des habits, des pratiques et des comportements  qui nous  désorientent  et qui font parler certains de « Tunistan » …

Puis, une Assemblée Nationale Constituante qui refuse  aux femmes leur simple droit d’être  les égales  des hommes …

Et entre ceci et cela des mosquées qu’on investit, qu’on occupe et qu’on détourne ; des mausolées qu’on démolit, qu’on dénature  parce qu’ils ne correspondent pas  aux préceptes de la Charia. Mais de quelle  charia s’agit-il en l’occurrence Bon Dieu ? Personne ne veut répondre de façon  claire et précise. Parce qu’en fait à chacun sa charia. Dans l’histoire de l’Islam, il y’aurait plus de 135 écoles  interprétant de façons  plus ou moins différentes la religion de l’Islam.

Alors pour vous dire, Messieurs-Dames, la question  de la charia, pour moi, Mesdames-Messieurs, est un leurre derrière lequel  se cachent des mouvements, des partis et des individus qui ne rêvent  que de pouvoir  absolu, autoritariste et obscurantiste. La charia est pour moi du Vrai avec lequel  on voudrait imposer du FAUX, un opium par lequel  on endort ou on enflamme  la masse, la charia –telle qu’entendue et clamée par ces gens qui se disent les SEULS REPRESENTANTS  DE DIEU SUR TERRE, est un plongeon dans les ténèbres  des temps révolus…
 Et alors ? Allez-vous me dire ! 

Et bien. Puisque je suis invitée à cette rencontre en tant que blogeuse, je vais répondre que nous activistes de la blogosphère  porteurs d’idées d’humanité, de liberté, d’équité et de modernisme, nous n’avons devant nous qu’un seul choix : LUTTER pour notre droit d’être  tous- hommes, femmes, de toutes les villes te de toutes les régions , quel que soit  notre statut  social –considérés  comme des HUMAINS à part entière, comme des CITOYENS qui doivent rendre mais aussi demander des comptes  à leurs égaux.

Cette lutte est la notre en tant que bloggeurs mais aussi en tant que jeunes, en tant que  passionnés de la liberté, en tant qu’humains.

J’en suis persuadée et je persiste dans ma conviction  que nous arriverons bientôt, dans un avenir proche à nous libérer, à vivre dans une société qui  avance réellement et surement  vers la démocratie, et qui fait la part des  choses entre les obligations et les devoirs des citoyens  d’une part et entre les convictions religieuses, philosophiques et les choix de vie et culturels de tout individu d’autre part.

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