C’est essentiellement parce que je suis née en Tunisie
que je suis musulmane. En effet, j’aurais pu naitre à Rome et être chrétienne
catholique, en Allemagne et être
protestante, au Cambodge et être bouddhiste. Je veux dire par là que
l’appartenance religieuse est souvent le produit du hasard, et que seuls peu de
gens sur notre terre ont véritablement
choisi d’eux -mêmes d’être musulmans, juifs, chrétiens, bouddhistes ou
animistes … Et en général ceux qui
ont eu la chance ou la malchance de choisir sont ceux qui sont passés d’une religion à une autre ou
à l’athéisme, ou d’un rite à un autre, d’une secte à une autre, d’une école à
une autre , d’une confrérie à une autre
au sein de la même religion…
Dans la même logique, c’est essentiellement parce que je suis née musulmane
tunisienne que j’appartiens au rite
sunnite malékite dominant. J’aurais pu d’ailleurs appartenir au rite minoritaire
« ibadhiste » auquel appartient la famille de ma grand-mère
paternelle.
Si j’étais née en Arabie Saoudite j’aurais été
wahabbite, en Iraq, j’aurais été peut être shiite au Sénégal j’aurais été
tidjanite.
Je vous ai raconté tout cela pour vous dire qu’à mon
avis la question de l’appartenance ou de l’identité, surtout quand elle est
regardée du point de vue de la religion en particulier et du culturel en
général est à la fois simple et complexe. Et que pour beaucoup elle est le fruit
du hasard.
Et c’est parce qu’elle est ainsi-me semble-t-il
qu’elle suscite tout cet engouement, tous ces débats, toutes ces controverses
et même tous ces déchirements… Mais c’est là un aspect de notre débat que je ne
ferai que frôler pour ainsi dire en
espérant y trouver une sorte d’introduction à ce que je vais exprimer par rapport à ma position personnelle en tant que blogueuse- mais aussi et surtout en tant que citoyenne tunisienne- pour ce qui
est de la Charia.
D’autres personnes sont mieux placés que moi pour traiter de la
question de façon fondamentale et
cognitive. Les différentes interventions que nous avons écoutées l’ont bien
confirmé. J’avouerais tout d’abord que jusqu’à ces derniers mois la question de la Charia n’a jamais été
pour moi parmi mes priorités …
Je vivais ma religion dans la sérénité.
Croyante ? Oui. Pratiquante ? Non. Je ne débattais de thèmes
se rapportant à la religion ou à
la charia qu’en des occasions tout-à-fait passagères en
parlant du hijab ou de l’observation du jeûne par exemple…
Et quand avec d’autres blogueurs et blogueuses de mon pays nous nous sommes mis à vouloir participer
d’une manière ou d’une autre à l’éveil de notre peuple et à un lever-des-boucliers
contre la dictature, il était loin –très loin même- de mon esprit qu’on allait se retrouver confronter à cette épineuse dualité :
état civique/état religieux !
Et c’est pour cela que j ‘ai eu-comme beaucoup
d’autres- comme un sentiment d’échec pour ne pas dire de désolation totale.
Jeune, femme, éduquée, ouverte sur le monde et
appartenant à une famille au sein de laquelle je ne me suis presque jamais
sentie comme ayant un statut inférieur parce que femme, j’aspirais plutôt aux
libertés collectives et individuelles
dans leur sens HUMAIN, c’est à dire en tant que droits humains qui
devraient être ceux de tous les humains compte non tenu ni du genre, ni de la
race, ni de la nation, ni du lieu de vie…
Je ne me voyais pas diminuée, traitée comme inférieure,
obligée de me cacher pour vivre comme je l’entends…
La révolution dont j’avais vécu pratiquement la
plupart des péripéties et évènements ne
m’a fait en rien découvrir une revendication d’identité, de religion et de
sacré. Nous revendiquions plutôt le
droit au travail, l’équité sociale, le
développement pour tous et pour toutes nos régions, e le droit d’être de
véritables CITOYENS, en droits et en devoirs.
Le premier choc que j’ai eu à vivre en la matière je l’ai vécu quand des
gens-dont mon père d’ailleurs-ont été agressés, bousculés, et gazés pour la
simple raison qu’ils éraient allés voir un film qui était jugé par leurs
agresseurs et leurs commanditaires comme
étant blasphématoire…
Puis les déceptions se sont succédées et les
interrogations sont devenues de plus en plus douloureuses…Campagnes contre les
laïcs, les modernistes, les « occidentalisés », les incroyants, les
ennemis de l’Islam, les ennemis de Dieu… Fausses querelles provoquées et
ravivées de jour en jour… Des illuminés
venus nous
« islamiser », nous amener au droit chemin … Des voix qui réclament la polygamie, le mariage
coutumier et même la pédophilie… Des prêches
qui nous ressortaient du fond des
siècles l’excision en tant qu’obligation
religieuse … Des habits, des pratiques et des comportements qui nous
désorientent et qui font parler
certains de « Tunistan » …
Puis, une Assemblée Nationale Constituante qui
refuse aux femmes leur simple droit
d’être les égales des hommes …
Et entre ceci et cela des mosquées qu’on investit,
qu’on occupe et qu’on détourne ; des mausolées qu’on démolit, qu’on
dénature parce qu’ils ne correspondent
pas aux préceptes de la Charia. Mais de
quelle charia s’agit-il en
l’occurrence Bon Dieu ? Personne ne veut répondre de façon claire et précise. Parce qu’en fait à chacun
sa charia. Dans l’histoire de l’Islam, il y’aurait plus de 135 écoles interprétant de façons plus ou moins différentes la religion de
l’Islam.
Alors pour vous dire, Messieurs-Dames, la
question de la charia, pour moi,
Mesdames-Messieurs, est un leurre derrière lequel se cachent des mouvements, des partis et des
individus qui ne rêvent que de
pouvoir absolu, autoritariste et
obscurantiste. La charia est pour moi du Vrai avec lequel on voudrait imposer du FAUX, un opium par
lequel on endort ou on enflamme la masse, la charia –telle qu’entendue et
clamée par ces gens qui se disent les SEULS REPRESENTANTS DE DIEU SUR TERRE, est un plongeon dans les
ténèbres des temps révolus…
Et alors ?
Allez-vous me dire !
Et bien. Puisque je suis invitée à cette rencontre en
tant que blogeuse, je vais répondre que nous activistes de la blogosphère porteurs d’idées d’humanité, de liberté,
d’équité et de modernisme, nous n’avons devant nous qu’un seul choix :
LUTTER pour notre droit d’être tous-
hommes, femmes, de toutes les villes te de toutes les régions , quel que
soit notre statut social –considérés comme des HUMAINS à part entière, comme des
CITOYENS qui doivent rendre mais aussi demander des comptes à leurs égaux.
Cette lutte est la notre en tant que bloggeurs mais aussi en tant que
jeunes, en tant que passionnés de la
liberté, en tant qu’humains.
J’en suis persuadée et je persiste dans ma
conviction que nous arriverons bientôt,
dans un avenir proche à nous libérer, à vivre dans une société qui avance réellement et surement vers la démocratie, et qui fait la part
des choses entre les obligations et les
devoirs des citoyens d’une part et entre
les convictions religieuses, philosophiques et les choix de vie et culturels de
tout individu d’autre part.
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